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Site de Alain Amselek
Biographie d'Alain AMSELEK
Descendant d'armateurs juifs originaires d'Andalousie, Alain Amselek est né à Alger. Il arrive à Paris après un BAC de Philosophie et le P.C.B. pour faire des études de médecine. Après 1968, il s'intéresse au développement personnel et se forme aux psychothérapies de groupe et aux approches psychocorporelles et émotionnelles, qui viennent des Etats-Unis et sont héritières de Ferenczi et Reich. Il les pratiquera pendant plusieurs années, tout en faisant une psychanalyse personnelle pour déboucher finalement, après une formation didactique, sur une pratique analytique freudienne. Féru de philosophie et philosophe lui-même, il se lance, à partir de sa clinique, dans l’écriture de textes où psychanalyse et philosophie viennent jouer tour à tour leur danse, chacune soutenant et fécondant l’autre. Il a rassemblé ses principaux travaux dans une trilogie intitulée Le Livre Rouge de la Psychanalyse.
Origines
et
Milieu familial
Alain Jean
Samuel Amselek, psychanalyste et écrivain, est né
le 26 janvier 1934 à Alger
dans une famille juive sépharade et
pratiquante.
Son
grand’ père paternel, rabbi Schmuel Amselek,
auteur d'un livre en hébreu sur la
Kabbale espagnole,
avait la nationalité
anglaise acquise à Gibraltar, son lieu
de naissance, et
appartenait à une longue lignée de rabbins et
d'armateurs descendant de Juifs
originaires d'Andalousie, qui
avaient été expulsés d'Espagne en
1492,
s'étaient réfugiés au Maroc
à Salé avant d'immigrer à Gibraltar
après la
conquête du rocher par les Anglais en 1713. Une partie de la
famille est
retournée au XIXe siècle au Maroc, où
de nombreux rabbins marocains portent ce
nom, tels Moshé, Yehudah et Itzhak Amzallag. Certains sont
partis au Brésil à
Bahia. Une autre branche se trouve en Israël.
Le
nom de la famille se prononce selon plusieurs variantes et par suite
avec
plusieurs écritures à
l’État-civil : Amsellek, Amselleck, Amselleg,
Amzalleg,
Amzaleg, Amzallag, Amzalag, Amzalak, Amsaleg, Amsallag, etc.
Le
Service onomastique de la Revue Tribu 12+, publie une fiche sur les
origines et
l’histoire du nom Amselek. Cf. aussi l'origine et l'histoire
des Amzalak dans
le livre de l'expert onomastique Joseph Toledano : Une histoire de
familles :
Les noms de famille juifs d'Afrique du nord, éditions
Ramtol, Jérusalem 1996,
pages 78 à 80.
L’importance
de ce nom, aux débuts du sionisme, est telle qu’un
livre entier lui a été
consacré en Israël : The Amzalak Family, sepharad
entreprenors in Israel.
1816-1918, par Joseph B. Glass et Ruth Kark, éditeur Magnes
Press, the hebrew
University, Jérusalem 1991. Une rue de Tel-Aviv porte le nom
d'« Amzalak ».
L’arrière-grand-père
d’Alain Amselek, rabbi Meïer Amzellek,
était également rabbin, il est enterré
à
Essaouira
(anciennement Mogador) au Maroc,
où venant de Gibraltar il a fini par immigrer avec son fils,
rabbi Schmuel,
avant que celui-ci ne vienne s’installer en
Algérie à Teniet-El-Haad et donner
naissance à une
famille de dix enfants, dont le petit dernier était Martin
Mordekhaï Amselek,
le père d’Alain Amselek.
La
mère
d’Alain Amselek, née Chouraqui, était
cousine d'André
Chouraqui,
écrivain, traducteur de la
Bible, du Nouveau Testament et du Coran, et qui a
été pendant de nombreuses
années maire adjoint de Jérusalem.
Autre
incidence familiale du côté de son père
encore : Il est cousin par
alliance du philosophe Jacques
Derrida,
qu’il a perdu de vue après
l’avoir fréquenté dans sa jeunesse sur
les hauteurs d'El-biar dans la
banlieue d'Alger.
Il a un frère cadet, Paul Amselek, professeur émérite de Droit à
l’Université Panthéon-Assas (Paris II); ancien Directeur du Centre de
Philosophie du Droit de cette université, il a écrit un grand nombre
d’ouvrages sur le Droit et la Philosophie du Droit qui font autorité.
Sa
sœur, Danielle Hermann, écrivain et
Présidente de la Fondation pour la
Recherche Cardio-vasculaire rattachée à
l'Institut de France (Le prix Danièle
Hermann proclamé sous la Coupole lors de la
séance solennelle de rentrée des
cinq Académies récompense la recherche
cardio-vasculaire dans les domaines tels
que la chirurgie, le traitement des enfants, les risques
liés au
vieillissement, le cœur artificiel, la
nutrition…), a reçu la Légion
d’honneur,
juste avant son décès le 7 novembre 2014.
Son
épouse, Catherine
Bergeret-Amselek,
psychanalyste, a écrit plusieurs livres parus chez
Desclée de Brouwer et Érés,
et organisé au Palais des Congrès à
Paris des Colloques sur “les âges de la
vie”, parrainés par les Ministres de la
Santé, de la Famille et de l'Éducation
Nationale. Elle anime depuis treize ans un séminaire
à la Société
de Psychanalyse
Freudienne, dont
elle est membre.
Jeunesse
Alain
Amselek fait ses études secondaires jusqu’au
baccalauréat de philosophie au
lycée Émile-Félix Gautier
d’Alger, où l’influence de deux
professeurs, l’un de
littérature, Achille Laherre, et l’autre de
philosophie, Jean Choski, oriente
profondément son évolution. Après
avoir préparé un Certificat d’Etudes
Supérieures Propédeutiques en
médecine, le P.C.B. (physique, chimie et
biologie) à l’Université
algéroise, il commence à Paris des
études de médecine,
qu’il abandonne, coup de foudre aidant, pour se marier. Il
doit faire alors deux
ans et demi de service militaire dans les Commandos de chasse en pleine
guerre
d'Algérie.
De
retour de l’armée, il crée à
Paris une entreprise de vêtements, Alain Campton, qui
introduit la mode hippie en France,
conséquence de ses
voyages fréquents en Californie, en Angleterre et aux Indes.
Michel Lancelot
lui a consacré quelques lignes dans son étude :
Je veux regarder Dieu en face :
Le phénomène hippie, Editions Albin Michel, 1968,
Éditions J’ai lu/Livre de
poche 1972, et José Artur a organisé une
soirée dans la boutique Campton pour
son émission Le Pop Club sur France-inter en 1967.
C'est
à
cette époque (les années 60) qu’il
habille de nombreuses vedettes d'alors de la musique, du
cinéma et du
théâtre (dont
Johnny
Hallyday)4. Sa
boutique bariolée et
innovante est la seule sur le boulevard Saint-Michel dont les vitrines
ne
soient pas démolies lors des barricades de Mai 68.
Étrangeté
du destin : Ce n’est pas comme psychanalyste, mais comme
styliste qu’il fit la
connaissance de Lacan, grand
amateur de ses vêtements
extravagants.
Après
68, il introduit dans son entreprise les méthodes des
groupes de créativité,
qui venaient de naître en France. Ce qui l'améne
lentement et progressivement à
s'intéresser aux méthodes de
développement du potentiel humain, puis aux
nouvelles thérapies importées des Etats-Unis, et
à vendre son entreprise pour
revenir à ses premières amours (il ne les avait
en fait jamais réellement
quittées) : la quête de
vérité, la philosophie, la thérapie,
la
psychanalyse… Dès son plus jeune âge,
il avait été nourri de la tradition
hébraïque et un peu plus tard des
spiritualités orientales, surtout hindoues,
il a découvert à quinze ans Jung et Freud
en même temps que Bergson
et Camus, et
n’a jamais plus lâché le
dialogue critique avec eux.
Formation
et activités
psychanalytiques
Il
acquiert aux Etats-Unis dans les années 70, notamment
à l'Institut d'Esalen et
à l'Institut Radix en Californie, mais aussi en France,
surtout à l'Institut
Théracie
créé par
Clotaire
Rapaille
et par Michèle
Barzach, une
expérience de l'animation de groupes et de
l'ensemble des thérapies corporelles et
émotionnelles pratiquées alors, ce qui
bien sûr contribue à sa formation clinique.
Cela le
conduit à rencontrer les
fondateurs ou leaders des principales psychothérapies
modernes dans le monde et
à travailler avec eux : Robert
Desoille
(dès 1953), Alexander
Lowen, John
Pierrakos, Arthur Janov, Dan
Miller, Daniel
Casriel, Moshe
Feldenkrais, Gerda
Alexander,Ida Rolf, Jack
Painter, Paul Bindrim,
Léonhard Orr, Stanislas
Grof, Salvador
Roquet, Rafaël Estrada-Villa, Federico Navarro, Gerda Boyesen,
Bill Schutz,
Jérome Liss, Bill Grossmann, Oscar Ichazo, Susanna
Rivara et Andréa Donoso,
Claudio
Naranjo, Chuck
et Erica Kelley, etc.
Il fait
une analyse
bioénergétique
(4 ans), une analyse
jungienne (7
ans), une analyse
freudienne (4
ans), et après ces épreuves personnelles il
entreprend à chaque fois le cursus
complet de formation (didactique, séminaires
théoriques, supervisions) pour
être reconnu par ses pairs comme praticien dans chaque
discipline.
Fonctions
·
Membre-fondateur
de la Société
Française d'Analyse bioénergétique
(S.F.A.B.E.), dont il est
vice-président en 1977 et 1978, puis Président de
1979 à fin 1983. Il exerce
des activités de didacticien-formateur au sein de la SFABE
de 1980 à fin 1983,
date à laquelle il donne sa démission pour se
consacrer à la psychanalyse.
·
Membre-fondateur
de l'Association
Française de
Psychologie Humaniste
de 1978 à 1985.
·
Membre
"agréé" du Groupement
syndical Psy'G,
département psychanalyse de
1979 à 1995
Il
se retire finalement de toutes les Sociétés,
éprouvant à partir d'un certain
âge le besoin de n'appartenir à aucune chapelle et
de cultiver son
multiculturalisme.
Dans la
ligne du paradoxe de
Freud (antiphilosophe : « La
philosophie est un délire », et
pourtant grand lecteur et ré-utilisateur
de concepts philosophiques), Amselek dans ses recherches part toujours
de sa
pratique psychanalytique pour se situer finalement de façon
indissociable entre
psychanalyse et philosophie, l’une ensemençant
l’autre. Car la dimension
aventurière de la psychanalyse ne peut se séparer
pour lui d’un positionnement
éthique qui lui paraît plus essentiel que tout
appui théorique.
Jacques Van
Wynsberghe dans la
Revue Psycorps, volume 12, 2008, écrit, notamment
p.
11 : « Un des paradoxes d’Alain
Amselek – pointons-le puisqu’il les affectionne
particulièrement - est
d’insister sur la prééminence du
vécu sensible et sur l’inanité de
l’intellectualisme, à travers un texte
particulièrement érudit où la haute
voltige intellectuelle le dispute au funambulisme philosophique
», et Jacques
Digneton dans sa préface à L’ouverture
à la vie, p.17 à 25 soulignera
également
: « Il nous contraint parfois à embrasser tout
à la fois les Méditations de
Descartes, la pensée de Kierkegaard, les avancées
des phénoménologues, les deux
décennies de réflexion de Lacan sur le sujet
cartésien, et enfin sa propre
conception du sujet... Le sujet amselekien est en effet unique,
différent de ce
qu’une tradition philosophique en a porté
jusqu’à nous… Remarquons, dans ce
retournement
existentiel, que le sujet n’est ni assujetti, ni asservi et
surtout pas à la
vie puisqu’il est la vie. On retrouverait là une
préoccupation marquée du
côté
de la dimension politique de la tradition philosophique
française du sujet :
Rousseau, Bataille, Althusser, Deleuze, Foucault, et Derrida »
Dès
son premier livre, Amselek
dresse un long parallèle entre Freud et Bergson pour faire
ressortir les
convergences et connivences entre le
“psychanalyste” et le
“philosophe”, et
il
soulève le problème des
implications métaphysiques inconscientes de toute pratique
psychanalytique.
De formation
plurielle en
psychanalyse (Freud, Jung,
Reich, Lacan, Winnicott, entre
autres), il se réfère à
des philosophes atypiques,
essentiellement
éthiques et métaphysiciens, comme Kierkegaard, Nietzsche ou Bergson, également
Albert
Camus, Emmanuel
Lévinas et Michel Henry,
mais
aussi à des écrivains, des
poètes, et encore à la tradition orale
hébraïque et développe ses propres
conceptions philosophiques.
L’intuition
fondamentale qui le
taraude depuis son plus jeune âge et à travers
tout son parcours, c’est qu’il y
a un au-delà du langage, non-appréhendable donc
par le discours théorique, mais
saisissable directement par le sujet lui-même et son
affectivité primaire, mode
immédiat de connaissance. Il n’y a
d’objet réel que senti, mais l’objet
senti
n’est lui-même possible que dans le sentir-soi du
sujet, c’est-à-dire son
« intime intimité ».
Amselek fait de l’affectivité primaire,
manifestation de la vie, le fondement et l’essence du sujet.
Sa pulsionnalité
en découle. C'est là que réside le
ressort profond de ses actes.
Depuis
plusieurs années,
Amselek tente de repenser les problématiques de
la psychanalyse contemporaine à partir de ses deux absents
et impensés majeurs
: la chair et la spiritualité, mais aussi en fonction du
nouveau contexte
social du XXIe siècle. Il a rassemblé ses travaux
et réflexions dans une
trilogie qu’il a intitulée Le Livre
Rouge de la psychanalyse, véritable
manifeste pour une psychanalyse du XXIe siècle, plus que
jamais subversive et
révolutionnaire.
Dans L’écoute
de l’intime et
de l’invisible,
le premier volet en 2006, Amselek montre le balancement de
Freud entre Jérusalem et Athènes et rend hommage
à
son génie pionnier, tout en
faisant néanmoins ressortir ses contradictions et ses
failles.
Il se demande
si, oscillant entre pratique hébraïque et
théorie
grecque, Freud n’a pas laissé
la psychanalyse au milieu du gué. Amselek montre ainsi la
nécessité d’aller
au-delà des préjugés scientistes de
Freud et de sa
volonté de soumettre
l’irreprésentable et la vie pulsionnelle
à la
« dictature de la raison »,
d’aller au-delà de ses résistances
«
inanalysées » à la musique,
à la mystique,
au sentiment océanique, aux états psychotiques.
Il
marginalise sa théorie, en
donnant le primat à
la pratique, une pratique de
la singularité fondée sur
l’écoute de l’intime et de
l’invisible, par-delà la
représentation, les images et les mots, dans le vif de
l’affectivité. Aussi
n’hésite-t-il pas à favoriser et
explorer les voies de la
régression, qui permettent de lâcher
l’intellect en s’ancrant de plus en plus dans la
chair (le
corps senti de
l’intérieur) pour aller au contact de la
racine :
l’esprit ou souffle de
vie, qui fait tenir debout et ensemble le corps, le pulsionne et le
rend
agissant, sentant et… plus loin pensant-parlant.
C’est
dans les corps à corps
avec la mère que la pulsion s’humanise et commence
à se canaliser vers des
objets, à se créer des destins, à
tisser des liens
à l’autre… C’est en
s’affrontant
à une figure symbolique paternelle (qui peut être
portée aussi bien par une
femme), en s’affrontant au “non” du
Père, que
“l’animal humain” accède aux
catégories de la structure, de l’ordre et de la
Loi, et
donc au “monde” et à la
société civile.
En
deçà ou au-delà des
problèmes
œdipiens, Amselek s’intéresse
particulièrement aux processus «
archaïques »,
toujours actuels et, s’appuyant sur la conception
bergsonienne de la durée,
c’est-à-dire d’un temps
différent du temps spatialisé des
mathématiciens et des
horloges, temps intérieur et subjectif mais aussi
créateur, il introduit la
notion de « devenir » et d’«
à venir » dans une psychanalyse contemporaine
passéiste et immobiliste, trop centrée sur la
pulsion de mort et méconnaissant
souvent la puissance des pulsions de vie, susceptibles
d‘intriquer les pulsions
de mort en les mettant au service de la vie : Pour
créer ou construire, il
est nécessaire, sauf exception, de détruire
aussi..
Prenant
à contre-pied Le
Livre noir de la psychanalyse,
Amselek défend la psychanalyse freudienne et affirme son
utilité, sa fécondité
et le besoin de davantage de psychanalyse encore face à une
société vouée au
culte de la raison, de la maîtrise et de
l’évaluation, prise dans le fantasme
de la toute-puissance, une recherche fallacieuse de “recettes
de vie” et de
performances narcissiques et technologiques, une
course compulsive à l’avoir, au consommer
vite, au jouir illusoire et éphémère,
tournant le dos à
l’intériorité, à
l’éprouvance intime, à
l’indicible, n’ayant plus
d’intérêt que pour
l’extériorité et les apparences et
tombant dans l’exigence de la transparence
et ses mirages.
Dans le
deuxième volet du Livre
Rouge, L’appel du réel en
2007, Amselek réfléchit tout
particulièrement
à la place du corps en séance de psychanalyse. A
travers ses « interrogations vives
» sur la pratique analytique, il partage son cheminement qui
l'a conduit à
cultiver avec ses patients une écoute
véritablement charnelle, privilégiant,
non pas une clinique du moi et des représentations,
renforçant le contrôle
mental, mais une clinique du soi, permettant un «
lâcher prise » des fixations
imaginaires, un vidage des représentations pour
s’ouvrir à la vie. Il s’érige
contre tous les « intellectuels » de la
psychanalyse et de l’antipsychanalyse,
qu’il appelle des « théologiens
», qui édifient la raison comme idole et
voudraient faire de la psychanalyse une quête
méthodique, neutre et objective
de connaissance du sujet parlant et de ses processus inconscients,
rejetant
intuition et affectivité, et excluant
corps
et spiritualité. Il réhabilite la place
réelle du corps et de l’affectivité
dans la pratique psychanalytique en y montrant l’importance
de la « présence
charnelle », de ses résonances et de son
magnétisme animal bien au-delà de la
parole. L’analyste classique, en accordant une attention
exclusive à la parole
dans la croyance absolue de l’assujettissement du sujet au
langage, coupe toute
présence à l’archaïque, au
fondement charnel, affectif, sensoriel, pulsionnel,
qui précède sans cesse la parole et
même la pensée et leur donne en fait leur
possibilité même d’existence dans le
monde. Il n’y a pas de sujet parlant
distinct d’un sujet de chair et de vie. L’analyse
ne porte ses fruits en
profondeur qu’en tant qu’elle est une authentique
épreuve charnelle de la vie,
et son intégration corporelle, qu’elle est
experiencing, c’est-à-dire épreuve
immédiate, éprouvance créatrice, dans
laquelle affectivité et connaissance
s’interpénètrent, menant à des
échappées et
à une métamorphose.
Dans L’ouverture
à la vie,
le troisième volet en 2010, Amselek consacre le premier
chapitre à l'exposé
d'un Manifeste pour une psychanalyse du XXIème
siècle, qu'il voudrait
plus que jamais subversive et révolutionnaire, et il insiste
surtout sur ce qui
fait la spécificité radicale de la psychanalyse :
la « position ou disposition
de l’analyste » et son écoute si
particulière, qui n’existent dans aucune autre
pratique psy et dont il déconstruit les
différents aspects pour révéler
d’autres possibilités de pratique,
jusqu’ici non mises au jour ou à peine
entrevues, barrées par des prudences mesquines et des enjeux
d’un autre siècle,
possibilités qui facilitent ce "supplément
d'âme" cher à Bergson.
Face
à la dimension de l’âme (la
psychè, l’appareil psychique), seule prise en
compte le plus souvent par la
psychanalyse contemporaine, Alain Amselek, en assimilant à
l’esprit la
« conscience-énergie
» primordiale de la vie, essaie de reconstituer la
« structure trinitaire » des
Anciens : « esprit - corps - âme », et de
fonder une hiérarchie des niveaux de
« l’homme entier », muni ainsi derechef
d’un niveau supérieur et autonome,
l’esprit (spiritus, souffle de vie, courant
d’énergie vitale), qui soutient et
pulse, intègre
et subordonne le
somatique et le psychologique et peut les renouveler à tout
âge (cet “esprit” ne doit pas
être confondu avec
le mental, mind, qui fait partie de l’appareil psychique). Ce
qui signifie
encore que le conscient et l’inconscient ne se
réduisent pas à être les
produits des déterminations physiques, biologiques ou
psychologiques, mais sont
bien plus et bien autre chose que leur somme.
Après
une analyse de la crise
sociétale actuelle, qui lui apparaît comme une
crise du
sens et du sujet en
proie à la teneur indécidable de la
vérité
et à l’incompétence foncière
de tout
savoir concernant la vie, après une étude du
refus
persistant du féminin par
les deux sexes dans cette société, Amselek voit
poindre
cependant tout
timidement un passage de notre culture du Logos, de la raison et de
l’image à
une civilisation de l’Eros, du sentir et de
l’intuition.
Comme Freud à la fin
de sa vie dans L’homme
Moïse…,
Amselek soutient que l’exigence la plus pressante pour
l’espèce humaine demeure
celle de la promotion spirituelle. Dans cette perspective, la
spiritualité,
spiritualité laïque, et la mystique, mystique sans
Dieu nécessairement, sont
considérées comme des modes
d’être, de sentir, de connaître, de
jouir ; il
y a unité entre la conscience et la vie, qui
apparaît comme un pur élan de
conscience ; elle n’a qu’un sens, celui
où le sujet humain érotisé et
désirant,
traversé par les surgissements intempestifs du sous-venir,
porte un “à-venir”
jusqu’à la mort, en lien avec les autres et sans
quitter son soi intime.
Alain
Amselek est intervenu
énergiquement contre l’analyse critique par Michel Onfray de
l’homme Freud, de son œuvre
et de la psychanalyse qui s’en réclame, en
dénonçant sa conception perverse du
débat (cf. son article « Un praticien se
révolte contre l’air du temps »
publié
le 16 mai 2010 dans Mediapart et repris et élargi en annexe
dans Le Livre Rouge
de la psychanalyse).
Critiques
Les tenants
du dogmatisme
intellectuel et de la réticence à l'empirisme,
surtout en France, opposent
à Amselek
essentiellement quatre objections :
1) Il
n’y a pas d’au-delà ni
d’en-deça de la raison. Le non-sens
n’est qu’une apparence.
2) Il ne
peut y avoir de pratique
sans théorie.
3) Pour
aider les analysands, les
interprétations ou explications et les constructions de
l’analyste sont
nécessaires.
4) Il
n’est pas possible de faire
le « vide de pensées » pour assurer une
« écoute avec attention également
flottante », quoiqu’en pensent les
méditants, les yogis et même Freud,
puisqu’il prétendait « faire le noir
» dans ses séances, ainsi qu'il
l'écrivait
dans une lettre du 25 mai 1916 adressée à Lou
Andreas-Salomé :
« Je sais que dans mon travail je fais artificiellement le
noir en moi pour
centrer ma conscience sur l’obscur. »
Par
ailleurs, sur le plan
philosophique, la conception amselekienne de la « chair
» et du spirituel et
son idée même de liberté radicale ne
peuvent qu’être récusés par
les courants
de pensée scientistes, déterministes et
matérialistes.
Inversement, son spiritualisme athée et laïque
s’attire les foudres des milieux
religieux.